OBSERVARE
Universidade Autónoma de Lisboa
e-ISSN: 1647-7251
VOL. 16 Nº.1, DT 2
Dossier Thématique - Os Vinte Anos da União Africana:
Passado, Presente e Futuro
Octobre 2025
6
REGARD RETROSPECTIF SUR L’ARCHITECTURE DE PAIX ET DE SECURITE EN
AFRIQUE DE L’OUEST
ILO ALLAYE DIALL
ilodiall@yahoo.fr
Enseignant-chercheur à la Faculté de Droit Public de l’Université des Sciences Juridiques et
Politiques de Bamako (Mali).
YOUBA NIMAGA
youbanimagaj@yahoo.fr
Enseignant-Chercheur à la Faculté de Droit Public de l’Université Kurukanfuga de Bamako (Mali).
Résumé
La sécurité en Afrique de l’Ouest, ainsi que sur l’ensemble du continent africain, demeure un
enjeu majeur pour la stabilité et le développement. Ce constat prévaut malgré la mise en
place, depuis les années 1990, de divers mécanismes juridiques et institutionnels, tant au
niveau continental avec l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) qu’au niveau
sous-régional par la CEDEAO. Toutefois, un décalage persistant entre les objectifs affichés et
l’efficacité concrète des dispositifs reste observable, notamment face à l’émergence de
nouvelles formes de conflictualité telles que le terrorisme, les coups d’État ou les crises
institutionnelles. Dès lors, deux problématiques principales se présentent : dans quelle
mesure l’APSA, dont l’objectif est de promouvoir l’appropriation africaine des questions de
paix et de sécurité, parvient-elle effectivement à répondre aux situations de crise ? Et
comment les mécanismes ouest-africains, particulièrement ceux de la CEDEAO, peuvent-ils
être articulés de façon optimale avec le cadre continental afin de garantir une sécurité durable
et souveraine en Afrique de l’Ouest?
Mots clés
Sécurité en Afrique de l’Ouest, Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA), CEDEAO,
UA, Gouvernance sécuritaire.
Abstract
Security in West Africa, as well as across the African continent, remains a major challenge for
stability and development. This reality persists despite the establishment, since the 1990s of
various legal and institutional mechanisms, both at the continental level with the African Peace
and Security Architecture (APSA) and at the sub-regional level through ECOWAS. However, a
persistent gap between stated objectives and the actual effectiveness of these mechanisms
remains evident, particularly in the face of emerging forms of conflict such as terrorism, coups
d’état, and institutional crises. Accordingly, two main questions arise: to what extent has
APSA, whose objective is to promote African ownership of peace and security issues,
effectively responded to crisis situations? And how can West African mechanisms, particularly
those of ECOWAS, be optimally articulated with the continental framework to ensure durable
and sovereign security in West Africa?
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Regard Rétrospectif sur L’architecture de Paix et De Sécurité en Afrique de l’ouest
Ilo Allaye Diall, Youba Nimaga
7
Keywords
Security in West Africa, African Peace and Security Architecture (APSA), ECOWAS, AU,
Security Governance.
Comment citer cet article
Diall, Ilo Allaye & Nimaga, Youba (2025). Regard Rétrospectif sur L’architecture de Paix et De
Sécurité en Afrique de l’ouest. Janus.net, e-journal of international relations. VOL. 16, Nº. 1, TD
2 Dossier thématique Os Vinte Anos da União Africana: Passado, Presente e Futuro”.
Octobre 2025, pp. 6-25. DOI https://doi.org/10.26619/1647-7251.DT0425.1
Article reçu le 29 octobre 2024 et accepté pour publication le 24 juillet 2025.
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REGARD RÉTROSPECTIF SUR L’ARCHITECTURE DE PAIX ET DE
SÉCURITÉ EN AFRIQUE DE L’OUEST
1
ILO ALLAYE DIALL
YOUBA NIMAGA
Introduction
L’article 15 du traité de l’UEMOA dispose que: «Les États membres se consultent en vue
de prendre en commun les dispositions nécessaires afin d’éviter que le fonctionnement
de l'Union ne soit affecté par les mesures que l’un d'eux pourrait être amené à prendre
en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, de guerre ou de tension
internationale grave constituant une menace de guerre»? Faut-il entendre par là que
l’Union ambitionne de s’organiser en vue de maintenir un climat de paix et de curité
en son sein?
En effet, c’est lors du Sommet de l'UEMOA de 2007, qu’il a été retenu que «le
développement durable se construit dans la paix et la sécurité»
2
. Cette phrase est riche
d’enseignements et souligne toute la problématique de la sécurité dans une région qui
se veut intégrée.
Le concept de sécurité est très large. Il est pluridimensionnel et traduit un état
économique, alimentaire, social, politique, humain etc. La sécurité est l'état d'un sujet
(individuel et collectif) qui s'estime non menaou dispose de capacités de réponses
1
Sigles et abréviations: AES: Alliance des États du Sahel; ANAD: Accord de Non-Agression et d’Assistance en
matière de Défense ; APSA: Architecture de Paix et de Sécurité en Afrique ; CADHP: Cour Africaine des Droits
de l’Homme et des Peuples ; CARIC: Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises ; CEAO:
Communauté Économique de l’Afrique de l’Ouest (prédécesseur de la CEDEAO) ; CEDEAO: Communauté
Économique des États de l'Afrique de l'Ouest ; CEEAC: Communauté Économique des États de l’Afrique
Centrale ; CIJ: Cour Internationale de Justice ; CPS: Conseil de Paix et de Sécurité (Union africaine) ; ECOMOG:
Force de Surveillance du Cessez-le-feu de la CEDEAO (Economic Community of West African States Monitoring
Group) ; FAA: Forces Africaines en Attente ; GIABA: Groupe Intergouvernemental d’Action contre le
Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest ; MICOPAX: Mission de Consolidation de la Paix en République
Centrafricain ; MINUSMA: Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali
MISMA: Mission Internationale de Soutien au Mali (sous conduite africaine, 20122013) ; ONU: Organisation
des Nations Unies ; OUA: Organisation de l’Unité Africaine (remplacée par l’UA en 2002) ; PNUD: Programme
des Nations Unies pour le Développement ; UA: Union Africaine ; UEMOA: Union Économique et Monétaire
Ouest Africaine ; ZLECAf: Zone de Libre-Échange Continentale Africaine.
2
Voir aussi la Déclaration de Lomé du 23 juin 1997, «… la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement
rappelle le lien étroit entre la paix, la sécurité, la stabilité et le développement et réitère, dans cette optique,
la nécessité urgente de créer une Force africaine de paix… Les États membres affirment leur disponibilité à y
prendre part sous l’autorité de l’ONU et de l’OUA (UA)».
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9
satisfaisantes en affrontant des dangers els ou anticipés
3
. Bien que l’Espace UEMOA
soit considéré comme la zone la plus intégrée de l’Afrique de l’Ouest,
4
l’on constate
toutefois, au sein des différents pays, des zones d'insécurité ou de fortes tensions. La
situation économique, pour être vigoureuse, contraste avec le manque de sécurité.
Cet aspect participatif que la claration de l’Union appelle de ses vœux doit être compris
au sens large, c’est-à-dire, l’interdépendance dans le triptyque paix-sécurité
développement pour garantir une sécurité humaine aux ressortissants communautaires.
Pour faire échos à l’Avis de la CIJ, elle doit s’entendre non seulement sur le plan financier,
mais également militaire
5
. La budgétisation des opérations de maintien de la paix serait,
en soi, un élément propre à faire englober celles-ci dans l’objet de l’Union
6
. Une autre
des actions de l’Union réside dans l’établissement d’un mécanisme interne d’alerte et de
suivi des conflits par une résolution du 20 juillet 2003 adoptée par le Comité Inter
Parlementaire de l’Union qui considère que la recherche de la paix est un exercice collectif
régi par les règles et principes universellement admis de bonne gouvernance.
En dehors de ces déclarations d’ordre général, l’Union n’a pas, en tout cas dans ses textes
fondateurs, créé un système de défense collective propre à elle. Peut-être, les propos du
professeur TALL
7
peuvent-ils aider à la compréhension de cet état de fait ? Même s’il
pense que, quels que soient les caractères spéciaux ou avérés des arguments donnant
un poids à des mécanismes de l’UA ou de la CEDEAO, ils ne sauraient en tout état de
cause constituer des obstacles dirimants à la mise en place d’un chantier propre à
l’UEMOA. Il estime, en effet, que l’Union pourra s’inscrire, sans doute, dans les articles
52 et 53
8
de la Charte des Nations Unies et rester fidèle aux objectifs de la CEDEAO
9
.
3
Voir Pascal BONIFACE, «L'environnement de sécurité et le processus de construction de la paix en Afrique de
l'ouest». Étude réalisée en qualité de Consultant Indépendant, Octobre-Décembre 2006.
4
Propos tenus lors de la troisième réunion institutionnelle UEMOA-CEDEAO, les 7 et 8 février 2005 à
Ouagadougou.
5
Voir Avis in Affaire des Dépenses des Nations Unies (Réc. 1962).
6
Voir Alioune SALL, Les mutations de l’intégration en Afrique de l’Ouest : une approche institutionnelle. Éditions
L'Harmattan, 2006, p. 138.
7
Voir S. N. TALL, «Pour un cadre institutionnel, organique et juridique de la paix et de la sécurité dans l’espace
francophone ouest-africain (UEMOA)» p. 194, in L’architecture de paix et de sécurité en Afrique, bilan et
perspectives, Actes des colloques de Bordeaux et Ouagadougou des 30 novembre 2012 et 24-25 octobre 2013,
organisés par l’Université de Bordeaux (CERCADI-GRECCAP) et l’Université de Ouaga 2 (CEEI), M. F. NAUGARET
et L. M. IBRIGA (dir.), L’harmattan, 2014, p.312.
8
Cf. charte de l’ONU, articles 52 «(1) Aucune disposition de la présente Charte ne s'oppose à l'existence
d'accords ou d'organismesgionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la
sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces
organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies. (2) Les Membres
des Nations Unies qui concluent ces accords ou constituent ces organismes doivent faire tous leurs efforts pour
régler d'une manière pacifique, par le moyen desdits accords ou organismes, les différends d'ordre local, avant
de les soumettre au Conseil de sécurité. (3) Le Conseil de sécurité encourage le développement du règlement
pacifique des différends d'ordre local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux, soit sur
l'initiative des États intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité…», et 53 «(1) Le Conseil de sécurité
utilise, s'il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises sous
son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des
organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité; sont exceptées les mesures contre tout État
ennemi au sens de la définition donnée au paragraphe 2 du présent Article, prévues en application de l'Article
107 ou dans les accords régionaux dirigés contre la reprise, par un tel État, d'une politique d'agression,
jusqu'au moment l'Organisation pourra, à la demande des gouvernements intéressés, être chargée de la
tâche de prévenir toute nouvelle agression de la part d'un tel État. (2) Le terme « État ennemi », employé au
paragraphe 1 du présent Article, s'applique à tout État qui, au cours de la seconde guerre mondiale, a été
l'ennemi de l'un quelconque des signataires de la présente Charte».
9
Voir préambule du traité de l’Union, paragraphe 1.
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10
Faut-il rappeler que tous les États membres de l’UEMOA sont aussi membres de la
CEDEAO, organisation plus vieille qu’elle.
En effet, la communauinternationale s’inscrit fortement aux côtés des organisations
régionales et les utilise, d’ailleurs très souvent, pour résoudre des crises ou des conflits
qui peuvent avoir des ramifications internationales. Pour bien comprendre ce phénomène
des Nations Unies, il est judicieux de se souvenir de l’Agenda pour la paix de Boutros-
Ghali. En fait, cet Agenda a été élaboré dans un contexte marquant des relations
internationales. Il s’agit de la fin de la guerre froide, le monde, bipolaire jusqu’alors,
entendait souffler dans la même trompette et profiter de cette deuxième chance de paix
universelle
10
que lui conférait la fin du risque d’un conflit mondial pouvant être déclenché
par un affrontement entre les superpuissances. Pour ce faire, il y a eu une réunion des
Chefs d’État et de Gouvernement de l’ONU au Conseil de Sécurité pour réfléchir à la
responsabilité du Conseil quant au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Faut-il le rappeler, cette instance suprême du système des Nations Unies, garante de la
sécurité et de la paix universelle a été bloquée pendant plusieurs décennies du fait de la
guerre froide
11
. Cette réunion fut sanctionnée par une Déclaration solennelle (S/23500)
qui a salué l’avènement d'une ère nouvelle porteuse de l'espoir de l'avènement d'un
monde plus sûr, plus équitable et plus humain, ainsi que les progrès accomplis vers la
démocratie et le respect des droits de l'Homme. Elle prend acte aussi des nouveaux
risques pour la stratégie et la sécurité résultant des changements survenus et
l'importance de renforcer et d'améliorer l'efficacide l'ONU pour faire face aux nouveaux
défis auxquels la communauté internationale est confrontée
12
.
Ainsi, la Déclaration invita le Secrétaire général à élaborer une étude et des
recommandations «sur le moyen de renforcer la capacité de l'Organisation dans les
domaines de la diplomatie préventive
13
, du maintien et du rétablissement de la paix, et
sur la façon d'accroître son efficacité, dans le cadre des dispositions de la Charte
14
». Elle
10
Voir Emmanuel KANT, Projet de paix perpétuelle, Broché, éd. Nathan, coll. Les Intégrales de Philo, juillet
2006 ; voir Montesquieu, De l'esprit des lois (1758), à propos du doux commerce, édition établie par Laurent
Versini, professeur à la Sorbonne. Paris : Éd. Gallimard, 1995 (2 volumes : vol I : pp. 1 à 604 ; vol. II : pp.
605 à 1628.) Collection folio Essais, disponible sur http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.moc.del8.
11
Voir Agenda pour la paix, Assemblée Générale, quarante-septième (47ème) session, point 10 de la liste
préliminaire (A/47/50), Rapport du Secrétaire Général sur l'activité de l'organisation A/47/277- S/24111
/Français du 17 juin 1992 : «Depuis la création de l'organisation des Nations Unies en 1945, plus d'une centaine
de conflits majeurs ont éclaté dans le monde, qui ont provoqué la mort de 20 millions d'êtres humains environ.
L'ONU est restée impuissante devant le nombre de ces crises en raison des vetos - au nombre de 279 - opposés
à l'action du Conseil de sécurité, qui illustrent bien les divisions de l'époque».
12
L'Agenda de la Paix du Secrétaire général B. Boutros-Ghali - Persée, https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-
3085_1992_num_38_1_3062.
13
Selon Christian SCHRICKE, la diplomatie préventive est une notion que Dag HAMMARSKJOLD avait déjà
développée dans ses introductions au rapport annuel du Secrétaire général. Voir Christian SCHRICKE, p. 4,
L'Agenda de la Paix du Secrétaire général B. Boutros-Ghali - Analyses et premières réactions. In: Annuaire
français de droit international, volume 38, 1992. pp. 11-31.
14
Voir Agenda pour la paix, op. cit. p. 6 : «La diplomatie préventive a pour objet d'éviter que des différends
ne surgissent entre les parties, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un
conflit éclate, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible. Le rétablissement de la paix vise à rapprocher
des parties hostiles, essentiellement par des moyens pacifiques tels que ceux prévus au Chapitre VI de la
Charte des Nations Unies. Le maintien de la paix consiste à établir une présence des Nations Unies sur le
terrain, ce qui n'a jusqu'à présent été fait qu'avec l'assentiment de toutes les parties concernées, et s'est
normalement traduit par un déploiement d'effectifs militaires et/ou de police des Nations Unies ainsi, dans bien
des cas, que de personnel civil. Cette technique élargit les possibilités de prévention des conflits aussi bien que
de rétablissement de la paix». Un autre terme novateur dans le droit international a vu le jour dans cet Agenda,
il s’agit de la consolidation de la paix, qui, après les conflits, est une action menée en vue de définir et d'étayer
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11
suggérait que l'étude porte notamment sur «l’identification des crises potentielles et
zones d’instabilité», la contribution des organisations régionales, les besoins en
ressources matérielles et financières, l'efficacité des plans et des opérations du
Secrétariat, l'usage de bons offices et autres fonctions que la Charte confère au
Secrétaire général. Après avoir souligné la résolution des membres du Conseil à prendre
des «mesures concrètes» pour renforcer l'efficacité de l'ONU dans les domaines du
désarmement, de la maîtrise des armements et de la non-prolifération, la déclaration est
conclue par l'expression de leur plein appui au nouveau Secrétaire général dans ses
efforts de renforcement de l'efficacité du système des Nations Unies, au moment la
conjoncture mondiale est la plus propice à la paix et à la sécurité internationales qui ait
existé depuis la fondation de l'ONU. L’étude, du Secrétaire général, nommée a été
présentée devant l’Assemblée générale de l’ONU le 30 juin 1992, réalisant ainsi le vœu
du Conseil de sécurité pour que toutes les nations y participent
15
.
C’est ainsi qu’il fait appel au Conseil de sécurité pour réactiver le chapitre VIII de la
Charte et les exhorte à prévoir l’utilisation des organismes régionaux pour l’application
des mesures coercitives décidées, mais aussi une action coercitive propre à ces
organismes sous réserve de l’autorisation du Conseil. Pour pallier le manque de
définitions de ces organismes, Boutros-Ghali adopte une interprétation extensive de la
Charte et y reconnait les organisations créées par un traité, les organisations de sécurité
et de défense mutuelles, ou les organisations destinées à assurer le développement
régional, mais aussi les groupes d'États créés de façon ad hoc pour traiter d'une question
particulière, politique, économique ou sociale
16
. C’est dans ce contexte que les
organisations régionales africaines, en général, et ouest-africaines, en particulier, ont fait
siennes les préoccupations d’ordre sécuritaires
17
.
Étant donné qu’elle fait partie des benjamines de ces organisations, l’on comprend alors,
aisément, que l’UEMOA n’a fait que s’inscrire dans les objectifs sécuritaires de ses
devancières, notamment la CEDEAO, qui est la seule organisation d’envergure de l’Ouest
africain (seule reconnue par l’Union africaine comme Communau Economique
Régionale de l’Afrique de l’Ouest).
Les situations de conflit qui sont répertoriées dans l’Ouest africain résultent de
l’enchevêtrement de facteurs ayant chacun leur propre logique. Réactualisation de
tensions séculaires non résolues, atteintes aux principes constitutionnels, migrations non
les structures propres à raffermir la paix afin d'éviter une reprise des hostilités. La diplomatie préventive vise
à régler les conflits avant que la violence n’éclate ; le rétablissement et le maintien de la paix ont pour objet
de mettre fin aux conflits et de préserver la paix une fois qu'elle a été instaurée. En cas de succès, l'une et les
autres -débouchent sur la consolidation de la paix après les conflits, contribuant ainsi à empêcher que les actes
de violence ne reprennent entre les nations et les peuples». pp. 6-7. L’on peut par la même occasion parler
d’une autre novation que constituent les unités d’imposition de la paix, «… je recommande que le Conseil
envisage de faire appel, dans des circonstances clairement définies, à des unités d'imposition de la paix dont
le mandat serait défini à l'avance. Ces unités, fournies par des États Membres, et composées de militaires qui
se seraient portés volontaires, seraient tenues en réserve. Il faudrait qu'elles soient plus lourdement armées
que les forces de maintien de la paix et qu'elles bénéficient d'un entrainement préparatoire approfondi dans les
cadres des armées nationales…», pp. 14-15.
15
Voir Christian Schricke, L'Agenda de la Paix du Secrétaire général B. Boutros-Ghali…, op. cit. p. 12.
16
Voir pour cette question en général le commentaire de l'article 53 de la Charte in «La Charte des Nations
Unies», éd. Economica/Bruyland, sous la direction de J.P. Cot et A. PELLET, cité par Schrike op. Cit. p. 10
17
En effet, le début des années de la dernière décennie du XXème siècle a vu un renouveau des organisations
sous régionales africaines par des réformes structurelles et institutionnelles importantes.
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12
contrôlées, conflits identitaires de minorités, banditisme, terrorisme etc, entre autres
sont les facteurs de naissance de ces conflits. Ils sont intranationaux tout en ayant une
dimension régionale par le biais des groupes armés terroristes se versant dans des
pays voisins
18
. L’élargissement des frontières nationales à celui des organisations sous-
régionales d’intégration peut rendre encore plus difficile la lutte contre l’insécurité au sein
de l’espace communautaire. Cet état de fait impose une étude d’ensemble du système
de lutte contre l’insécurien Afrique de façon générale, et de l’Afrique de l’Ouest en
particulier notamment à l’heure de la recomposition géopolitique de la région via le
partenariat et l’influence des nouvelles.
Ainsi, il ressort de cette analyse la problématique suivante : quel regard rétrospectif sur
la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest ?
Elle se justifie aisément au regard des cadres d'intégration économique en Afrique,
spécifiquement l’UEMOA et la CEDEAO. Les textes fondateurs du premier omettent
délibérément toute prévision d'un système autonome de défense collective, reléguant la
gestion des crises sécuritaires à la CEDEAO, elle-même intégrée à l'Architecture africaine
de paix et de sécurité (APSA) de l'Union africaine en tant que seule Communauté
Economique Régionale reconnue. Or cette délégation en cascade mérite d’être analysée,
car malgré la multiplication des mécanismes juridiques et institutionnels depuis les
années 1990, l'efficacité opérationnelle des organisations reste peu efficace. Ce qui invite
à s'interroger sur la capacité réelle des dispositifs continentaux (UA) et sous-régionaux
(CEDEAO/UEMOA) à répondre aux défis sécuritaires africains multiformes. Pour éclairer
cette problématique, il convient d'examiner les mutations normatives ayant façonné
l'APSA, d'analyser ses éventuelles lacunes capacitives compromettant ses ambitions,
d'étudier comment la CEDEAO et l'UEMOA adaptent leurs outils de prévention et gestion
des conflits aux nouvelles conflictualités (terrorisme, coups d'État), et de tirer des
enseignements des interventions déjà faites sur le continent et dans la sous-région ouest
africaine.
Ne prétendant pas l’exhaustivité, il sera juste question d’analyser les principaux
mécanismes mis en place pour lutter contre l’insécurité au niveau continental (1) et voir
comment le mécanisme régional de l’Afrique de l’Ouest s’articule avec les prescriptions
continentales (2). En effet, depuis le renouveau du modèle d’intégration des grands
ensembles régionaux africains, l’on assiste à une tentative d’appropriation du continent
des voies et moyens pour parvenir à résoudre par lui-même les innombrables conflits
qu’il voit inlassablement naître.
18
Lire OCDE/CSAO (2020), Géographie des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l'Afrique de
l'Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/4b0abf5e-fr. Lire aussi Christian Sambou, Les conflits
armés ouest-africains: Sénégal, Mali et Côte-d’Ivoire. Lecture des guerres pour la reconnaissance. Science
politique. Université Paris-Saclay, 2021, p.487.
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13
I. L’Architecture de Paix et de Sécurité en Afrique, une œuvre de
l’Union Africaine
La sécurité a longtemps hanté les pays africains depuis l’aube de leurs indépendances. À
travers les grands ensembles régionaux qu’ils constituaient, ils ont tant bien que mal,
avec l’appui de l’ex-colonisateur, essayé de résoudre toutes les formes de menace
sécuritaire les touchant. Ces États nouvellement indépendants en quête de devenir des
Nations, ont été créés dans des situations périlleuses, marquées par des rivalités
idéologiques parfois contraires, essayeront d’organiser leur sécurité collective. C’est dans
ce contexte que les premières organisations régionales postcoloniales se mettaient dans
une posture de défense collective contre des troubles venus de l’étranger, posture qui
s’inscrivit moins dans une optique d’intégration supranationale en matière de défense,
mais plutôt dans des préoccupations défensives chargées de psychose
19
. Aujourd’hui, la
sécurité continentale est appréhendée à travers l’Architecture de Paix et de sécurité en
Afrique (APSA) dont les bases sont jetées par le Protocole relatif à la création du Conseil
de paix et de sécurité (CPS), adopté à Durban (Afrique du Sud) en juillet 2002, et entré
en vigueur en décembre 2003. Il est alors intéressant de comprendre les évolutions qui
ont conduit à son institution (A) mais aussi les éventuelles limites (B) qui l’empêchent
d’endiguer les problèmes sécuritaires du continent.
A. Historique et fondement juridico-institutionnel de l’APSA
Dans les années 1960, l’Union des États Africains (UEA), confrontée aux nombreux
mouvements d’indépendance, a envisagé la mise en place d’un système de défense
commun. Celui-ci devait permettre la mobilisation conjointe des ressources disponibles
afin d’assurer la protection de tout membre de l’Union en cas d’agression
20
. La
Conférence d’Addis-Abeba de 1963, qui vit la naissance de l’OUA, donna l’occasion à
Nkrumah (Premier Président du Ghana) de préconiser un système de défense commun
avec un Haut commandement africain en vue d’assurer la stabilité et la sécurité de
l’Afrique, ce qui fut sanctionné par l’établissement d’une Commission de défense par la
Charte, Commission
21
dont le rôle serait d’être un organe consultatif de préparation et
de recommandation pour la défense collective ou l’autodéfense des États membres contre
tout acte ou menace d’agression
22
.
L’inefficacité de la Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage conduisit très
vite l’OUA à imaginer des moyens palliatifs, au nombre desquels, il existe des
mécanismes ad hoc à travers des comités spéciaux et de petites structures portant le
19
Voir SALL, op. cit. p.133.
20
Idem.
21
En réalité il existait aussi une Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage instituée par l’article
19 de la Charte de l’OUA, «Les États membres s’engagent à régler leurs différends par des voies pacifiques. A
cette fin, ils créent une Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage, dont la composition et les
conditions de fonctionnement sont définies par un protocole distinct, approuvé par la Conférence des Chefs
d’État et de Gouvernement. Ce protocole est considéré comme faisant partie intégrante de la présente Charte».
22
Cette Commission recommanda en 1965 la création d’une Organisation africaine de défense indépendante
sur la base du volontariat des États. Voir de façon générale sur ces questions V. H. SIKONDO, La sécurité des
États africains dans le système international contemporain : aspect politiques, diplomatiques et juridiques,
Thèse Reims 1986 ; M. A. BARRY, La prévention des conflits en Afrique de l’Ouest : mythes ou réalités ?
Karthala, 1997. Cité par SALL, op. cit. p. 134.
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nom de commissions de conciliation crées par le Conseil des ministres. Il arriva même
que la Conférence des Chefs d’État
23
soit mise à profit pour dénouer des situations
tendues et conflictuelles
24
.
Il a fallu attendre les années 1990 pour que les réalités politiques changent et offrent un
vrai climat propice à l’organisation de réels mécanismes de défense africains. La
Déclaration du Caire de 1993 qui crée un Mécanisme pour la prévention, la gestion et le
règlement des conflits
25
, en est une illustration parfaite.
C’est dans ce contexte que l’Organisation pour l’Unité Africaine (OUA) fut transformée en
Union Africaine (UA), dont le processus a commencé lors du Sommet de Syrte de 1999
et s’acheva à Durban en mai 2002, pour reconstruire l’unité africaine avec pour ambition
de renouveler et consolider le projet de l’intégration politique et socio-économique du
continent, la défense de la souveraineté de ses États membres et la promotion de la paix
et de la sécurité
26
. Ce faisant, l’organe qui intéresse une étude de la sécurité en Afrique
se porte sur le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), instituée, ceteris paribus, à l’image
du Conseil de Sécurité de l’ONU. À titre de comparaison, à part l’existence de membres
permanents et de membres non permanents, il comporte aussi quinze (15) membres.
Mais il y a la possibilité d’une certaine permanence par la prolongation de la durée
d’occupation du siège puisque les Etats sortants peuvent se présenter immédiatement
pour être de nouveau membre
27
. Pour rappel, lors des négociations pour définir le cadre
conceptuel et institutionnel du CPS, les États ambitieux comme le Nigéria voulaient
entièrement retenir la formule existante au Conseil de sécurité de l’ONU mais
l’argumentation du président Konaré atténua ces positions
28
. L’aide des pressions
23
Selon, KPODAR «La politique de défense commune en Afrique » in L’architecture de paix et de sécurité en
Afrique op. cit. p. 33, l’échec de ces commissions/comités ad hoc s’explique par le fait qu’il a toujours été
difficile d’obtenir l’accord des États membres pour la tenue des rencontres régulières. C’est ce qui a justifié la
diplomatie des pèlerins solitaires de la paix.»
24
Voir Article 37 du Règlement intérieur de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement, «La Conférence
peut créer les comités ad hoc et autres groupes de travail temporaires qu’elle jugera nécessaireet l’Article
36 du Règlement intérieur du Conseil des ministres, «le Conseil des ministres peut instituer tous comités ad
hoc et groupes temporaires de travail qu’il juge nécessaire». Il faut noter qu’à titre d’exemples de réussite de
ces Comités, l’on peut citer la Commission ad hoc sur le différend algéro-marocain qui a fonctionné de 1963 à
1967, le Comité ad hoc sur les différends interafricains créé en juillet 1977 qui a notamment réglé le conflit
entre l’Ouganda et la Tanzanie, le Comité des bons offices des huit sur le différend Somalie-Éthiopie créé par
la dixième session ordinaire de la Conférence en mai 1973, la Commission ad hoc présidée par le président
Kenyatta envoyée en 1964 au Congo (Léopoldville), au Congo (Brazzaville) et au Burundi, ou encore le Comité
permanent sur le Tchad dans les années 1980. Cité par Delphine LECOUTRE, p. 2 in L’Afrique contemporaine -
Eté 2004, pp. 131-162, Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, clef d’une nouvelle architecture
de stabilité en Afrique? Plus loin elle fait un répertoire complet des causes de l’incapacité criarde du Mécanisme
(voir pp. 4-7). Ces remarques basées sur une étude réalisée en l’an 2000, pour l’International Peace Academy,
par Margaret Vogt et Monde Muyangwa (p. 32) arrive à la conclusion que, d’une part, l’OUA était restée un
acteur périphérique dans la plupart des conflits du fait de l’ampleur de la tâche, de son manque d’expérience
dans le domaine de leur gestion, des contraintes organisationnelles et financières, ainsi que de l’absence de
consensus international sur les rôles impartis respectivement à l’Organisation des Nations unies (ONU) et à
l’OUA ; et que, d’autre part, les principes consacrés par la Charte de l’OUA limitaient son rôle dans la gestion
des conflits dans la mesure le respect de la souveraineté nationale entravait une intervention effective dans
les conflits internes.
25
Ce Mécanisme fut incorporé à l’OUA lors du Sommet de Lusaka en juillet 2001, cf. Rapport du Secrétaire
Général (EAHG/Déc.1(V)) ; AHG/Déc.160 (XXXVII) ; CM/2210 (LXXIV). Voir aussi DJENA WEMBOU : «A propos
du Mécanisme de l’OUA sur les conflits», RGDIP, 1994, pp. 377 et suivants.
26
Voir utilement https://www.peaceau.org/uploads/ua-en-bref-fr-.pdf
27
Voir https://au.int/fr/cps
28
Allocution d’Alpha Oumar Konaré, président de la République du Mali, au XXXVIIe sommet de l’OUA, Lusaka,
9-11 juillet 2001, pp. 8-9., «… nous devons reconnaître que, dans toute entreprise commune, il y a une
locomotive et des wagons ; il nous faut admettre qu’il y a des pays leaders dont la part dans la répartition des
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internationales actuelles pour un renouveau du Conseil de Sécurité de l’ONU n’y est pas
étranger aussi. L’opposition, farouche, des États plus faibles du continent, aussi, y a une
marque. Le choix de l’absence de droit de veto s’inscrit dans la logique de ne laisser
aucun État puissant l’instrumentaliser à d’autres fins. Ils peuvent aussi être tentés de
l’utiliser contre des États voisins qui peuvent être en conflit avec eux.
Le CPS ne figurait pas dans les prévisions de création de l’Acte constitutif de l’UA
29
. En
fait, il est le résultat de l’incorporation du Mécanisme de gestion des conflits à
l’organisation (fait lors du Sommet de Lusaka). Il a pris corps réellement en 2002, lors
du lancement officiel de l’UA à Durban.
Dans un tel contexte, l’on est en droit de se demander, si elle est réellement en mesure
d’exercer le pouvoir d’harmoniser et de coordonner les efforts visant à combattre le
terrorisme international, et toutes les formes d’insécurité au niveau continental et
régional
30
.
B. Limites structurelles et efficacité relative : le fosentre normes et
pratiques
L’écart entre les avancées normatives et les réalités opérationnelles se manifeste avec
acuité dans l’action de l’Union africaine (UA). Alors que son Conseil de paix et de sécurité
(CPS), son Groupe de Sages
31
et son Comité d’état-major
32
incarnent des innovations
majeures par rapport à l’OUA, offrant un cadre intégré d’alerte précoce, de médiation et
de commandement unifié
33
. Le cadre institutionnel est confronté à des limites
structurelles entamant son efficacité. La dépendance aux interventions externes révèle
une autonomie compromise. Deux cas peuvent illustrer ce fait. Lors de l’éclatement de
la crise malienne en 2012, la MISMA s’est d’abord alignée sur l’opération française au
Mali (Serval)
34
avant de se fondre complètement dans le dispositif onusien qu’est la
MINUSMA. Le même scenario s’est produit avec le cas centrafricain. Plus criant encore
responsabilités devrait être plus grande que celle des autres. Ceci est une réalité. Nous devons envisager cette
démarche dans une vision démocratique et non de gendarme, et la traduire en comportement pour avancer
vers la réalisation de nos objectifs majeurs…».
29
Les Chefs d’État se sont basés sur l’article 5 alinéa 2 de l’Acte, « (2) La Conférence peut décider de créer
d’autres organes » pour créer le CPS, « Il est créé, au sein de l'Union, conformément à l’Article 5(2) de l’Acte
constitutif, un Conseil de paix et de sécurité…», cf. article 2 du protocole sur la création du CPS.
30
Cf. article 7, point « i » du Protocole relatif à la création du conseil de paix et de sécurité de l’union africaine
(disponible sur https://www.peaceau.org/uploads/psc-protocol-fr.pdf).
31
Le Groupe des sages est composé de cinq personnalités africaines, hautement respectées, venant des
diverses couches de la société et qui ont apporté une contribution exceptionnelle à la cause de la paix, de la
sécurité et du développement sur le continent. Elles sont sélectionnées par le Président de la Commission,
après consultation des États membres concernés, sur la base de la représentation régionale et nommées pour
une période de trois ans par la Conférence (article 11 du Protocole instituant le CPS).
32
Il est créé un Comité d’état-major chargé de conseiller et d’assister le Conseil de paix et de sécurité pour
tout ce qui concerne les questions d’ordre militaire et de sécurité en vue du maintien et de la promotion de la
paix et de la sécurité en Afrique… Le Comité d’état-major est composé d'officiers supérieurs des États membres
du Conseil de paix et de sécurité… (Article 13, points 8-9). Le Groupe des Sages et le Comité d’état-major ainsi
que d’autres institutions ou organes (tel que les Forces Africaines Pré-positionnées crées par l’article 13) de
l’UA ressemble sur les points à d’autres organes et institutions du mécanisme de paix de la CEDEAO. D’ailleurs
ils ont les mêmes appellations et les mêmes rôles à la différence que l’UA agit sur le plan continental et la
CEDEAO sur le plan régional
33
Voir KPODAR, op. cit. p. 37.
34
Voir KPODAR, op. cit. p. 39.
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est l’absence persistante des Forces africaines en attente (FAA), pourtant actées dès
2003 et réaffirmées après le sommet d’Addis-Abeba de 2013. Ce décalage persistant
entre les engagements solennels (comme la "Force de réaction rapide" promise en 2013
lors du Sommet d’Addis-Abeba, le 23 mai 2013, les Chefs d’État, disant vouloir tirer les
leçons de leur incapacité à réagir lors de la crise malienne, ont pris l’engagement de
réactiver la mise en place d’une force d’intervention rapide
35
) et leur faible matérialisation
inexistante encore en 2025 souligne l’incapacité à dépasser les logiques souverainistes
et les lacunes financières. Ces éléments transforment l’Architecture africaine de paix et
de curité (APSA) en édifice inopérant. Malgré quelques réussites
36
, les situations
sécuritaires dans les régions africaines pèsent sur l’opérationnalisation correcte de ces
forces.
Il est important aussi de noter que le CPS n’est pas un organe à part de l’Architecture de
Paix et de curité en Afrique, en plus d’harmoniser et de coordonner les activités des
Mécanismes régionaux dans le domaine de la paix, de la sécurité et de la stabilité, afin
que ces activités soient conformes aux objectifs et aux principes de l’UA
37
, il entretient
des relations étroites de travail avec le parlement panafricain
38
et établit une coopération
étroite avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples
39
pour toutes
questions touchant à son mandat.
Il est alors loisible de se demander si le manque de justiciabilité des États et des acteurs
membres des résolutions des conflits n’est pas une énième cause de l’inefficacité du
système ?
Pendant longtemps, du vivant de l’OUA, le règlement des conflits africains se préoccupait
plus d’aplanir les positions des parties, pour sauvegarder les intérêts du moment, que
d’y apporter une solution durable et définitive. En réalité, cet état fait, pousse certains
auteurs à ne voir dans le règlement des conflits aucune logique
40
, tous les cas sont traités
différemment, aussi bien que chaque conflit voit naître un type de règlement qui lui est
propre. L’on donne raison, alors, à celui qui a dit qu’en Afrique, on ne juge pas une
affaire, on l’arrange
41
. Aucune mention de règlement juridictionnel des conflits n’est faite,
ni par l’Acte constitutif
42
, ni par le Protocole créant le CPS.
La solution serait-elle de voir du côté de la juridiction obligatoire de la CIJ ? Ne faudrait-
il pas, peut-être, étendre ses compétences et exiger des États, naissent des conflits
35
Cette mise en place fut renvoyée au sommet de janvier 2014 où elle a été encore renvoyée à celui de juin
2014.
36
Tel fut le cas lorsqu’en 2003 une force interafricaine de plus de 2000 hommes a été déployée au Burundi
pour s’interposer entre les belligérants et permettre au médiateur sud-africain de décrocher un accord de paix.
Voir KPODAR, op. cit. p. 37.
37
Cf. article 16, par. 1 point a du Protocole.
38
Cf. Article 18, par. 1 du Protocole.
39
Cf. Article 19 du Protocole.
40
Cf. M. BEDJAOUI, «Le règlement pacifique des différends africains», AFDI 1972, pp. 85-89, cité par KPODAR,
op. cit. p. 46.
41
Voir KPODAR, op. cit. p. 47. En effet, les traditions de médiation à l’ancienne pour décanter des situations
conflictuelles sont restées dans la pratique des États africains. Au sein de l’OUA, il a toujours été fait recours à
ce type de règlement, en utilisant un voisin, un notable, un sage à la forte personnalité… pour éteindre le feu
des conflits. L’histoire a montré que comme des phœnix, ces conflits renaissaient toujours, avec plus d’acuité.
42
Cf. article 4 de l’Acte constitutif, «L’Union africaine fonctionne conformément aux principes suivants: (e)
Règlement pacifique des conflits entre les États membres de l’Union par les moyens appropriés qui peuvent
être décidés par la Conférence de l’Union...».
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susceptibles de dégénérer, de porter leur conflit à l’appréciation de la Cour ? La récente
posture de l’Israël et des Etats-Unis face à cette juridiction internationale face à la
situation en Palestine, fait planer le doute sur celle-ci
43
.
Cette solution serait souhaitable pour plus d’un, d’autant plus que, jusqu’à présent, peu
d’États africains ont ratifié
44
le Protocole créant la Cour Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples (CADHP) et ses activités n’ont que récemment commencé. Lors du
sommet de la Conférence de 2004, il a été décidé de transformer cette cour en lui
fusionnant la Cour de Justice de l’Union. Cette nouvelle entité aurait pour nom la Cour
Africaine de Justice et des Droits de l’Homme. Certains universitaires et dirigeants d’ONG
luttant pour la promotion des droits de l’homme voyaient une opportunité d’impliquer
efficacement cette Cour dans la résolution des conflits africains par le biais du droit. En
conséquence, une modification des statuts de la Cour s’imposerait
45
. Mais contre toute
attente, les Chefs d’État et de Gouvernement, par un communiqué à l’issue de leur
Conférence en Guinée équatoriale, les 26 et 27 juin 2014, ont décidé d’insérer dans les
nouveaux statuts la possibilité d’accorder une immunité, contre les poursuites devant
cette juridiction, aux dirigeants et à d’autres hauts fonctionnaires durant leur mandat. Et
cela en violation du droit international, du fait que, eux-mêmes, dans la Charte africaine
des droits de l’Homme et des Peuples reconnaissent la nécessité de prendre des sanctions
judiciaires contre toute atteinte aux droits de l’homme
46
. Puis, la fusion décidée n’a
jamais eu lieu.
Pour prévenir du caractère violateur du droit international d’une telle mesure, Salil
SHETTY, Secrétaire général d’Amnesty International, avait adressé une lettre ouverte
aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union en leur demandant de rejeter cette
proposition de modification
47
.
43
Lire utilement sur le doute au sujet de la justice internationale Alioune SALL, L’émotion et la raison, l’Afrique
face à la justice internationale, L’Harmattan Sénégal, 2020, p.277.
44
A ce jour, 34 sur 44 États signataires l’ont ratifié et il est entré en vigueur le 11 février 2009. Sur les 34
seuls 8 États (Burkina Faso, la Gambie, le Ghana, Guinée-Bissau, le Mali, le Malawi, le Niger et la Tunisie) ont
déposé la déclaration reconnaissant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes introduites
directement par des ONG et des individus. Voir https://www.african-court.org/wpafc/bienvenue-a-la-cour-
africaine/?lang=fr#
45
Lire utilement à ce sujet, S. H. Adjolohoun, Les grands silences jurisprudentiels de la Cour africaine des droits
de l’homme et des peuples, Annuaire africain des droits de l’homme, 2018, pp. 24-46,
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2018/v2n1a2
46
La réaction de Netsanet BELAY, Directeur de la recherche et du plaidoyer pour l’Afrique au sein d’Amnesty
International, a été virulente : «Alors que le continent africain lutte pour faire en sorte que les auteurs de
violations graves des droits humains soient tenus de rendre des comptes, il est impossible de justifier cette
décision, qui sape l’intégrité de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme avant même qu’elle soit
opérationnelle». voir https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2014/07/au-summit-decision-backward-step-
international-justice/
47
Cf. Lettre d’AMNESTY INTERNATIONAL, SECRETARIAT INTERNATIONAL, du 19 juin 2014 à Londres, Réf. :
AFR 01/012/2014, «Je m'adresse à vous dans la perspective de la 23ème session de l'Assemblée des chefs
d'État et de gouvernement de l'Union africaine (…) pour vous demander de ne pas adopter la proposition
d'amender l'article 46A bis du Projet de protocole sur les amendements au Protocole portant statut de la Cour
africaine de justice et des droits de l’homme (Projet de protocole). La réunion ministérielle du Comité technique
spécialisé a décidé, à l'issue de ses délibérations des 15 et 16 mai, de modifier l'article 46A bis du Projet de
protocole, qui se lirait alors comme suit : « Aucune accusation ne sera déposée devant la Cour contre un chef
d'État ou de gouvernement de l'Union africaine en exercice, aucune personne exerçant ou autorisée à exercer
ces fonctions, ou tout autre haut représentant de l'État sur la base de leurs fonctions, pendant la durée de leur
mandat. » Amnesty International craint que cette proposition, de même que diverses démarches récentes de
l'Union africaine, n’assurent l'immunité aux chefs d'État et de gouvernement. Au nombre de ces démarches, il
y a la décision de l'Union africaine, a) en octobre 2013, d'exempter les hauts représentants de l'État de
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Enfin, le CPS pourrait être un excellent outil au service du lien indissociable paix et
développement s’il était judicieusement utilisé, il aurait agi en amont et en aval de tout
type de conflits éclatant dans toute partie du continent, et ce avec le concours des CER.
En effet, l’expérience accumulée par les CER, en matière de gestion de conflits, est
considérable.
II. Le Mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits,
un outil ouest-africain
La situation ouest-africaine avait commencé à se modéliser bien avant celle de l’OUA et
de sa continuatrice. Son analyse se fera à travers l’évolution normative des mécanismes
sous régionaux (A) et des expériences opérationnelles (B).
A. Évolution normative et institutionnelle du cadre sous régional de la
CEDEAO
La CEAO, en 1977 avait conclu entre ses États membres plus le Togo un Accord de non-
agression et de fense (ANAD)
48
. La CEDEAO avait depuis le 29 mai 1981 signé un
Protocole d’Assistance mutuelle en matière de défense, adopté au sommet de Freetown
49
et dont l’idée avait été lancée deux ans plus tôt au sommet de Dakar. Il englobait tous
les États membres à l’exception du Cap vert, de la Guinée-Bissau et du Mali. Ledit
Protocole prévoyait une assistance des autres parties en cas d’agression contre l’une
d’elles
50
et entre les parties signataires, une obligation de non-recours à la force. Il
prévoyait également la création d’une force d’interposition, mais seulement en cas de
conflit entre États membres, leur intervention étant exclue si le conflit était purement
interne
51
. Le conflit libérien a été la cause de la réactivation de la réflexion sur la
prévention de la paix et de la sécurité internationale dans la sous-région. Il a fait l’objet
de plus de 20 décisions prises par la CEDEAO dans la résolution de cette crise
52
, en plus
de la création d’un comité permanent de médiation.
poursuites devant la Cour pénale internationale ; b) en janvier 2014, d'appeler les membres de l'Union africaine
à se prononcer en faveur des amendements à l'article 27 du Statut de Rome, pour empêcher les poursuites
contre les chefs d'État et de gouvernement. Je vous prie de bien vouloir examiner la proposition prévoyant
l'amendement de l'article 46A bis pendant les délibérations à venir (…)L'article 46A bis du Projet de protocole
porte gravement atteinte à l'intégrité de la Cour africaine et au but déclaré de l'Union africaine de permettre
aux victimes de crimes graves de droit international d'obtenir justice (…)Si l'article 46A bis est adopté, les
déclarations sur le fait que l'élargissement de la compétence de la Cour africaine faciliterait la lutte contre les
fléaux que sont les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité et qui minent le continent
africain seront vides de sens. (…) Amnesty International vous prie instamment d'examiner l'article 46A bis et
de le remplacer par une disposition reprenant le principe fondamental inscrit à l'article 27 du Statut de Rome
de la Cour pénale internationale...».
48
Cet Accord est issu du Sommet franco-africain de 1977. Voir SALL op. Cit., p. 134. Mais le Protocole
d’application de l’Accord en date du 14 décembre 1981 engage les parties à ne pas abriter d’opposant ou
d’activités de subversion contre un autre État partie. Il faut ajouter un autre Protocole additionnel relatif à
l’assistance en matière de défense militaire du 20 décembre 1982.
49
Voir Protocole d'assistance mutuelle en matière de défense des pays de la CEDEAO (Nations-Unies, recueil
des traités, 1992, Vol. 1690, 1-29137) disponible sur
https://www.africansecuritynetwork.org/HSGO/assets/cedeao-1981-asistencia_mutua.pdf
50
Cf. Article 16 du Protocole.
51
Cf. Article 17 du Protocole.
52
Voir J. O. CEDEAO, n° spécial sur la crise libérienne, novembre 1992, vol. 21.
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Mais à l’analyse, il ressort très vite que dans un premier temps, c'est-à-dire, avant
l’adoption du nouveau Mécanisme, la communauté envisageait la sécurité, seulement,
sous l’angle de la fense, ou dans le cas d’un conflit interétatique, comme l’avait fait
l’OUA. C’était manifestement faire fi des alités du monde contemporain d’après-
guerres. L’émergence et la multiplication de conflits d’un type nouveau avec des acteurs
nationaux, transnationaux et internationaux appelaient forcément à une actualisation du
système de défense. L’approche des premiers instruments de défense était obsolète. Cet
état de fait pousse certains auteurs
53
à qualifier les premières interventions de la
communauté, sous l’emprise des anciens textes
54
, comme illégales, même au regard de
l’ingérence humanitaire. La CIJ avait donné son appréhension de cette situation dans les
affaires du Détroit de Corfou et les Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
55
.
L’ECOMOG qui est intervenu au Libéria en 1990 créa une situation de doute quant à son
adéquation avec le traité de l’époque (l’on se souvient que le traité actuel de la CEDEAO
date seulement de 1993). L’article 2 de celui-ci, en évoquant les buts de la Communauté,
ne fait aucune référence aux questions de sécurité or il se trouve que la Communauté a
pris plus d’une dizaine de décisions en y apposant le visa de l’article 5 du de l’ancien
traité dont l’alinéa 2 se borne uniquement à évoquer les fonctions de la Conférence des
Chefs d’État et de Gouvernement ; fonctions ne faisant aucune mention pouvant lui
attribuer des prérogatives militaires.
En outre, le pacte de non-agression de 1978 qui a constitué la base juridique du comité
permanent de médiation est en réalité juste un pacte de non-agression ne pouvant
nullement justifier une opération de maintien de la paix. Cet état de fait est valable pour
le protocole d’assistance mutuelle qui agit seulement en cas d’agression ou menace
d’agression extérieure et exclut d’intervenir dans des conflits internes, cas du conflit
libérien. Même si ce Protocole autorise les Chefs d’État et de Gouvernement à réfléchir
sur les problèmes généraux de sécurité, cette argumentation tombe en désuétude du fait
que l’intervention fut décidée par le Comi permanent de médiation dont le rôle se
limitait à aider à la solution de litiges entre États membres
56
.
Le traide 1993 de la CEDEAO ve ses ripéties juridiques et en fait quasiment un des
objectifs de la Communauté. En effet, il préconise le préalable de la sécurité à tout
développement économique ou intégration entre ses États membres. C’est que peut
53
Voir SALL, « Les mutations… », Op. Cit. p 136 ; Abass BUNDU « Aucune Disposition n'avait été prise dans le
cadre du traité de la CEDEAO concernant la coopération régionale dans les domaines de la politique et de la
défense… » in LAVERGNE, op. Cit. p. 55 ; F. M. DJEDJERO « la guerre civile au Libéria et l’ingérence dans les
affaires intérieures des États » in Revue Belge de droit international, 1993, p. 9/44 : «La condamnation de la
subversion est très nette dans la doctrine et la jurisprudence. On constate en effet que si la doctrine est divisée
sur la question de la licéité de l’aide apportée au gouvernement en place, elle considère globalement que le
soutien aux insurgés est illégal…».
Disponible sur https://rbdi.bruylant.be/modele/rbdi/content/pdf/files/RBDI%201993/RBDI%201993-
2/Etudes/RBDI%201993.2%20-%20pp.%20393%20%C3%A0%20436%20-
%20F.%20Meledje%20Djedjro.pdf (consulté en septembre 2024).
54
Il s’agit du traité de Lagos, le traité de non-agression du 22 avril 1978 et du Protocole d’assistance mutuelle
du 28 mai 1981.
55
«… l’appui fourni par les États-Unis ... aux activités militaires et paramilitaires des contras au Nicaragua,
sous forme de soutien financier, d’entraînement, de fournitures d’armes, de renseignements et de soutien
logistique constitue une violation indubitable du principe de non-intervention» In Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), § 242, compétence et
recevabilité, arrêt, CIJ. Recueil 1984, p. 392.
56
J.O. CEDEAO, op. cit. pp. 6 et 7.
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se rapprocher l’article 15 du traité de l’UEMOA tout comme l’article 58 du traité de la
CEDEAO, traitant des questions relatives à la sécurité à l’échelle sous régionale. L’on peut
dire, sans doute, qu’elle s’aligne sur les tendances et pratiques de l’ONU et de son
organisation mère, l’UA en la matière. Aucune objection ne peut être faite, maintenant,
à une base légale des interventions de la communauté en cette matière conformément à
l’article 4 point « e » de son traité
57
. Mais ce type d’intervention, même au sein de l’ONU,
est régi par le principe de neutralité ce qui n’a pas toujours éle cas de la CEDEAO dans
ses expériences passées.
B. Expériences opérationnelles à l’épreuve des ressources limitées et de
la neutralité
Le bilan de la CEDEAO quant à son impartialité et le caractère dépourvu de sanctions de
son intervention reste mitigé. Elle s’est vue impliquée de trop, altérant ainsi l’orthodoxie
même du maintien de la paix
58
. Il est souvent arrivé que les forces de la communau
soient prises pour cible. Elle a été amenée aussi à des situations extrêmes qui l’ont vu
menacer le président Charles Taylor d’un blocus économique. Ce n’est qu’avec l’Accord
de Cotonou de 1993
59
, a posteriori, que ce pouvoir de sanction fut autorisé conformément
à l’article 5 du traité de Cotonou. Il a donné à l’ECOMOG toute latitude pour sanctionner
les violations d’un cessez-le-feu impo Et même là, l’ECOMOG a outre passé les
autorisations du Comité chargé des violations. Cet état de fait créa un risque
d’affrontement ouvert entre les forces de la communauté et les belligérants, toute chose
qui créa un climat propice au retrait des troupes de certains pays membres
60
. Les actions
ainsi entreprises par la Communauté furent appuyées par l’ONU, a posteriori, à travers
la résolution 1132 du 8 octobre 1997 imposant le cessez-le-feu, l’institution autorisa la
CEDEAO, en coopération avec le Gouvernement démocratiquement élu de la Sierra
Leone, à veiller strictement à l’application des dispositions de la résolution.
L’ampleur des opérations a conduit à l’envoi d’une force des Nations Unies (Mission des
Nations Unies à la Sierra Leone).
Heureusement, peut-on dire, le Protocole de Lomé mettant en place le Mécanisme de
prévention, de gestion et de règlement des conflits de la CEDEAO de 1999
61
, tente de
corriger les erreurs du passé en s’inscrivant dans le sillage des pratiques de la
Communauté internationale. Ce Protocole qui est désormais la base légale de
l’organisation en matière de sécurité abroge les deux autres qui le précédent (le Protocole
de 1978 et l’Accord de 1981) et elle intègre en son sein l’ANAD de l’ancienne CEAO. Nulle
part sur le continent, au moment de son adoption, on ne trouvait d’équivalent dans toutes
57
«LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES, dans la poursuite des objectifs énoncés à l'Article 3 du présent
Traité affirment et déclarent solennellement leur adhésion aux principes fondamentaux suivants : (…) e)
Maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales par la promotion et le renforcement des relations
de bon voisinage».
58
Cf. SALL, op. cit. p. 139.
59
L’Accord de Cotonou fait référence à l’Accord trouvé par les parties prenantes pour la résolution du conflit
libérien. Son article 5 énonce tous les cas de figure pouvant être considérés comme violation de l’Accord et
l’inobservation est sanctionné. Voir un exemplaire de l’Accord sur
https://www.ceja.ch/images/CEJA/DOCS/Bib/Pays/Liberia_S2/I8_FR.pdf
60
L’exemple du Sénégal est donné par le Professeur SALL, in Les mutation…, op.cit. p. 142.
61
Voir https://www.africansecuritynetwork.org/HSGO/assets/cedeao-1999-protocole.pdf
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les organisations sous-régionales. L’UEMOA, à travers son Mécanisme d’alerte et de suivi
des conflits, et tout récemment l’intervention de la CEDEAO en Côte d’Ivoire et au Mali,
a été minée par son retard et son manque de moyen cruel à un moment où la vie de ces
pays était tout simplement menacée.
À tous les égards, la plus grande innovation de la communauté en matière de sécurité,
à travers son nouveau traité et le Protocole, reste qu’elle conçoit, désormais, le maintien
de la paix sur une durée permanente. C’est en ce sens que l’UEMOA s’inscrit avec elle
dans le sillage des pratiques onusiennes. La CEDEAO a, pour cela, créé un système
d’observation de la paix et de la sécurité régionales, tout comme le Mécanisme interne
d’alerte et de suivi des conflits de l’UEMOA qui s’est traduit par l’adoption de l’Acte
additionnel N° 04/2013/CCEG/UEMOA instituant la politique commune de l'UEMOA dans
le domaine de la paix et de la sécurité.
Ce système de pré-alerte résulte de l’article 58 du traité de la CEDEAO et contient deux
composantes : (1) un centre d’observation et de suivi chargé de la collecte et de la
redistribution de l’information à l’attention du Secrétaire exécutif, et (2) des zones
d’observations et de suivi, ayant chacune une capitale
62
. Dans chaque capitale il existe
un Bureau placé sous l’autorité du Secrétaire exécutif. En outre la conception de la
communauté du maintien de la paix répond à celle de l’ONU, dont il était question dans
l’Agenda pour la paix
63
. En témoigne, d’ailleurs, la création d’une Cellule des armes
légères
64
, d’un Fonds de la paix, d’un mécanisme de gestion des catastrophes et d’un
Groupe inter gouvernemental d’Action contre le blanchissement d’Argent (GIABA
65
).
Malgré cette consécration, les différents rapports de la Commission de la CEDEAO sont
édifiants sur l’état de la sécurité dans les pays membres de la CEDEAO. Il y a toujours
un tableau noir peignant les difficultés sécuritaires de la région. Le rapport annuel de la
CEDEAO de décembre 2012, est le suivant : «le Burkina Faso, des mutineries
62
Zone 1 : Cap vert, Gambie, Guinée-Bissau, Mauritanie, Sénégal avec pour capitale Banjul ; zone 2 : Burkina
Faso, Cote d’Ivoire, Mali, Niger avec Ouagadougou comme capitale ; Zone 3 : Ghana, Guinée Conakry, Libéria,
sierra Léone ayant pour capitale Monrovia ; Zone 4 : Bénin, Nigéria, Togo dont la capitale est Cotonou.
63
«… La paix et la sécurité internationales ne découlent pas seulement de l’absence de guerre et de conflits
armés. D’autres menaces de nature non militaire trouvent leur source dans l’instabilité qui existe dans les
domaines économiques, sociaux, humanitaires et écologiques…». In Revue générale de droit international
public (RGDIP), 1992, p. 258
64
Rapport final de la 51ème session du Conseil des ministres, doc.ECW/CMLI/XXIV/Rev.1, Accra, décembre
2003, pp. 15 et 25. Voir aussi le Moratoire sur les armes légères entré en vigueur en novembre 998 dont la
gestion incombe au Programme de Coordination et d’Assistance pour la Sécurité et le Développement (PCASED)
financé par le PNUD. Ce programme finissant en 2004 au terme de son mandat fut remplacé par ECOSAP le 6
juin 2006 à Bamako, dont le mandat s’écoulait le 8 juin 2008. La CEDEAO a relancé le projet et lui a donné un
autre mandat qui doit finir en 2015 lors de la Conférence d’Abuja de 2010 (voir le règlement C/REG.17/06/10
portant prorogation du projet ECOSAP et adoption de son programme d'activités).
65
Voir Décision A/DEC.6/12/00 portant adoption des statuts du groupe inter-gouvernemental d’action contre
le blanchiment de l’argent (GIABA). En fait la création de ce groupement est consécutif à la Déclaration Politique
et le Plan d’Action contre le Blanchiment de l’Argent, adoptés lors de la vingtième session extraordinaire de
l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée à la lutte contre le problème mondial de la drogue, qui s’est
tenue à New York, le 10 juin 1998, et des quarante (40) recommandations adoptées par le Groupe d’Action
financière contre le Blanchiment des capitaux établi par les Chefs d’État des sept (7) pays les plus industrialisés,
et le Président de la Commission Européenne (GAFI) ; et surtout les Recommandations de la quarante-septième
session du Conseil des ministres tenue à Bamako, du 9 au 12 décembre 2000. Les évolutions du concept de
maintien de la paix sont spectaculairement visibles dans le Protocole de 1999 (voir article 45 relatif à la
restauration de l’État de droit, chapitre VIII relatif à l’assistance humanitaire, article 40 relatif à la sauvegarde
de l’environnement, article 46 relatif à la criminalité transfrontalière, article 48 relatif à la lutte contre la
corruption, article 49 relatif au blanchiment d’argent et l’article 51 relatif à la circulation illégale des armes
légères).
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militaires ont été notées en 2011 s’est traduit par des violences et des pillages. La Côte
d’Ivoire a connu une situation d’instabilien 2002, qui s’est aggravée en 2011, à la suite
de la crise postélectorale née de la volonté de l’ancien Président de se maintenir au
pouvoir en dépit du verdict des urnes ; la Guinée-Bissau continue d’enregistrer une
situation d’instabilité, avec les coups d’État intervenus en 2009, et plus récemment en
avril 2012 ainsi que la tentative de coup d’État d’octobre 2012 et d’aout 2020. Le Mali,
après plusieurs décennies de stabilité politique, a enregistré trois coups d’État, dans un
contexte d’attaques armées au nord de son territoire. Le Niger a connu une période
d’instabilité en 2009 à la suite de la volonté du Président de prolonger son mandat arrivé
à échéance. Cette situation d’instabilité a abouti à un coup d’État intervenu en février
2010. Le Sénégal pour sa part a enregistré des troubles sociopolitiques en 2011 et au
début de l’année 2012, à la suite de la tentative de modification de la Constitution de
juin 2011
66
».
Le plus grand problème dont souffrent les outils de Maintien de la paix au sein de la
communauté reste le manque de moyens
67
. En effet, toutes les actions qu’elle a eu à
mener étaient tributaires de l’aide extérieure, soit des Nations unies, soit de partenaires
bilatéraux et multilatéraux et quelques rares fois les États membres eux-mêmes. Cet
état de fait réduit quelque peu la marge de manœuvre des États africains en général
quant à la prise en main de leur destinée sécuritaire. Une telle situation est à la base de
la proposition de créer la Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises Force en
Attente
68
, pour pallier le retard des Forces Africaines en Attente (FAA) dans les crises
maliennes et bissau-guinéenne.
Néanmoins, AMBROSETTI et ESMENJAUD, identifient certains des conflits dans lesquels
des États africains ont eux-mêmes assuré le maintien de la paix et tous les coûts y
relatifs. En intervenant au Libéria et en Sierra Leone, le Nigéria, avant la montée en
puissance de la MINUSIL, a assumé pendant huit ans la majeure partie des coûts
financiers. Il en a été ainsi, aussi lors de la récente crise malienne de 2012, pour
pallier l’inertie de la CEDEAO, le Nigéria, le Sénégal et le Burkina ont envoyé des troupes
dont le financement restait autonome avant la reprise par la MINUSMA. Dans le cas
bissau-guinéen, ces pays, avec en tête, le Nigéria, remplacèrent des militaires angolais
qui assuraient le maintien de la paix pour le compte de la Communauté des pays de
langue portugaise. Toutefois, le soutien aérien d’États extérieurs à la CEDEAO était
66
Voir Rapport annuel de la Commission, Abuja décembre 2012, p. 99, disponible sur
https://www.ecowas.int/wp-content/uploads/2024/08/ANNUAL-REPORT-2012.pdf
67
Voir article Axel AUGE, « Le ‘’maillon faible’’ de l’architecture de paix et de sécurité africaine : la condition de
l’homme de troupe ». Contribution issue du colloque de Ouagadougou les 25 et 26 octobre 2013, in NAUGARET
et IBRIGA (dir.), L’architecture de paix et de sécurité en Afrique, op. Cit. pp. 155-164.
68
Sa création fut annoncée par Annoncée la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazama
Dlamini-ZUMA, le 27 mai 2013 à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Union africaine (UA), la Capacité
africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC) tarde à voir le jour, les forces la constituant sont constituées
des pays volontaires. Lancée en réaction à la crise malienne, l'idée de la présidente de la Commission de l'UA
était de faire de la CARIC une mesure transitoire dans l'attente de la pleine opérationnalisation de la FAA, sans
doute pas avant 2015. Les pays volontaires à l’issue du Sommet de l’Union Africaine des 26 et 27 juin 2014
sont le Mali, le Burkina, l’Égypte, le Niger, le Sénégal, l'Ouganda, l’Algérie, la Guinée, la Mauritanie, le Tchad,
l’Éthiopie, le Soudan, la Tanzanie, l’Angola et l’Afrique du Sud. Ces États membres de la CARIC sont prêts à
mettre leurs troupes à disposition et financer eux-mêmes les coûts que cela créera sous l’autorité du Conseil
de paix et de sécurité de l’Union Africaine. Dès son lancement en Éthiopie, début 2014, le soutien ferme de la
plupart des partenaires multilatéraux de l'Afrique, dont l'ONU. Voir La CARIC, au cœur des préoccupations de
la PAX AFRICANA, disponible sur https://afriquinfos.com/caric-coeur-preoccupations-africana-258118/
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23
nécessaire
69
. L’UA, pour sa part, a fourni un gros effort lors de la crise malienne en
déboursant 50 millions de dollars sur le milliard que requérait la Mission internationale
de soutien au Mali. Dans d’autres parties du continent, la CEEAC a eu à financer 30%
70
de la mission de consolidation de la paix déployée en République Centre Africaine qui est
devenue par la suite la Mission internationale de soutien à la Centrafrique en décembre
2013
71
.
L’article de AMBROSETTI et ESMENJAUD, va plus loin, et analyse les causes des faiblesses
des forces de l’UA. L’audit externe rendu par le panel de Haut niveau au Président de l’UA
le 27 décembre 2007 identifie la difficulté de ces opérations africaines à absorber l’aide
financière et à la transformer en efficacité opérationnelle. Au demeurant, l’appropriation
de ces opérations par l’ONU est un signe évident de la légitimation internationale des
actions de ces organisations africaines, tant sur le plan continental que régional. Toute
chose dont la mesure doit être prise, et dont le profit doit être tiré pour, pour qu’enfin,
se réalise le vieux rêve d’une défense africaine.
Conclusion
L’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (APSA) représente une avancée
significative par rapport au modèle de coopération de l’OUA, grâce à la mise en place de
mécanismes nouveaux tels que le Conseil de paix et de sécurité (CPS), les systèmes
d’alerte précoce et les cadres de médiation comme le Groupe des Sages. La collaboration
de la CEDEAO, par le biais de l’ECOMOG et du Protocole de Lomé, a démontré la capacité
régionale à répondre aux enjeux sécuritaires et à favoriser plusieurs transitions politiques
pacifiques.
Cependant, l’APSA demeure vulnérable face à des faiblesses structurelles persistantes :
la non-opérationnalité pérenne des Forces africaines en attente, prévues depuis 2003, la
forte dépendance financière vis-à-vis des partenaires extérieurs, ainsi que les divisions
politiques illustrées par les tensions entre la CEDEAO et les pays de la confédération des
États du Sahel, ainsi que la nébuleuse terroriste. Ces limites ont entral’efficacité des
dispositifs de prévention lors de crises majeures sur le continent.
69
Cette aide de certains partenaires de l’Afrique a souvent fait l’objet de malversations financières au point
que, lors des crises récentes maliennes et centrafricaines, des cellules financières ad hoc furent créées en vue
de canaliser les aides extérieures et d’afficher une certaine transparence éliminant tout risque de mauvaise
gestion ou de corruption. Voir à ce titre le journal Libération du 16 juillet 2007, « Des euros évaporés par
millions au Darfour. Disponible sur https://www.liberation.fr/planete/2007/07/16/des-euros-evapores-par-
millions-au-darfour_98329/. Il est intéressant de savoir qu’en réalité, malgré les efforts particuliers et
autonomes de certains pays africains, l’OTAN et surtout l’UE restent les principaux bailleurs de fonds aux
opérations de maintien de la paix en Afrique. L’UE à travers son programme Facilité de Paix en Afrique (APF),
dont la première action fut utilisée au Burundi via la Mission africaine (MIAB) a pris, par exemple, la majeure
partie des opérations en Somalie et au Mali, et jusqu’à 70% de la MICOPAX. Voir, p. 142, David AMBROSETTI
et Romain ESMENJAUD, « Le financement des opérations de paix africaines: quatre types d’arrangements et
leurs enjeux politiques », contribution au colloque de Bordeaux, le 30 novembre 2012, in NAUGARET et IBRIGA
(dir.), L’architecture de paix et de sécurité en Afrique, op. Cit. pp. 135-153.
70
Ces données sont issues d’un entretien que les auteurs ont eu avec un officiel de l’UE à Paris en janvier 2013.
Cf. David AMBROSETTI et Romain ESMENJAUD, « Le financement des opérations de paix africaines …, op. Cit.
p. 140.
71
Évidemment, l’aide de la CEEAC fut stoppée par les États membres à partir du moment où la MISCA repris
le dossier à son compte.
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Dans un contexte de changements géopolitiques marqué par la ZLECAF, l’émergence de
l’AES et les réformes institutionnelles encouragées par la Commission Kagamé des
mesures prioritaires s’imposent pour renforcer l’APSA:
Opérationnalisation des Forces africaines en attente, via une contribution obligatoire des
États membres, dont la taxe de 0,2 % sur les importations;
Harmonisation des initiatives sous-régionales (CEDEAO, AES, CEEAC), sous la
coordination effective de l’Union africaine;
Développement de brigades régionales d’intervention rapide, à l’image de la Force
conjointe du G5 Sahel;
Institutionnalisation de la justice transitionnelle afin de mettre fin durablement aux cycles
de violence, en mobilisant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
Pour assurer la consolidation durable de la paix sur le continent, il est indispensable de
promouvoir l’appropriation souveraine des outils sécuritaires par les États africains. À
condition d’intégrer les enseignements des expériences passées, l’APSA est en mesure
de devenir le fondement d’une véritable paix en Afrique afin que le développement
économique soit une réalité dans une perspective pérenne.
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